Des fils et des murs : histoire du Central téléphonique de Vannes

Chapitre I. Une architecture entre modernité nationale et ancrage breton
En 1938, au 63 avenue de la Marne à Vannes dans le Morbihan, s’élève un bâtiment singulier. Commandé par les Postes, Télégraphes et Téléphones (PTT), il est l’œuvre de Fernand Moineau, architecte en chef des PTT, et réalisé par l’entreprise Groleau. Le central téléphonique de Vannes suit un plan national standardisé, mais adapté avec finesse à l’identité architecturale locale, témoignant de la volonté d’allier fonctionnalité républicaine et respect du terroir breton.


Le granite marque les encadrements, les corniches à modillons et les soubassements, tandis que l’ardoise recouvre la toiture, rappelant les codes de la construction traditionnelle bretonne. Un blason sculpté des PTT en façade ancre encore davantage le bâtiment dans son rôle institutionnel. Son plan en T, son élévation à travées et sa cage d’escalier semi-circulaire à pavés de verre, lui confèrent à la fois fonctionnalité et modernité. Cette hybridation entre classicisme modernisé des années 30 et modèle régionaliste offre un équilibre rare.
La structure en béton armé autorise de grands volumes adaptés à la technique téléphonique alors en plein essor. L’ornementation y est volontairement sobre, mais évocatrice d’une époque où les bâtiments publics devaient être à la fois des repères administratifs et reflets de l’identité locale. Ce central est bien plus qu’un simple équipement technique : c’est un manifeste de l’État moderne qui respecte ses territoires.
Chapitre II. Un témoin de l'histoire locale

Achevé en 1938, le central s’inscrit dans le lotissement du Pargo, récemment créé. Dès ses premiers jours, le grand bâtiment affronte les contraintes de son temps : les lourdes batteries installées provoquent des fissures dans les planchers, menant à un litige entre l’administration et l’entreprise Groleau, que cette dernière remporte.
En 1941, alors que la Seconde Guerre mondiale frappe la France, le central de Vannes est réquisitionné par l’occupant allemand. Il devient un centre névralgique de communication militaire pour la Wehrmacht en Bretagne. Sa transformation reste légère, preuve de la robustesse de son plan initial. Cette période, bien que sombre, inscrit le central dans la mémoire collective comme un témoin silencieux de l’Occupation.
Après la Libération, il reprend sa vocation initiale. Modernisé, agrandi, il reste pendant décennies un pilier de l’infrastructure téléphonique vannetaise. Jusqu’aux années 2000, il accueille les bureaux de France Télécom, poursuivant sa mission de connectivité.

Chapitre III. 2025 : Renaissance d’un patrimoine endormi
Près d’un siècle après sa naissance, le central téléphonique de Vannes connaît un nouveau souffle. En 2024, l’entreprise Possidonia, spécialiste de la réhabilitation durable, engage un ambitieux projet de transformation : faire revivre le lieu sous forme d’une résidence étudiante de 39 logements.
Cette reconversion, respectueuse du patrimoine bâti, préserve les lignes historiques du central tout en l’adaptant aux besoins contemporains. Les volumes existants sont repensés pour offrir des appartements fonctionnels, lumineux, et équipés selon les standards thermiques et écologiques actuels. L’empreinte carbone de la rénovation, trois à cinq fois inférieure à celle d’une construction neuve, s’inscrit dans une démarche résolument responsable.
En redonnant vie à ce témoin du passé, Possidonia prolonge l’histoire du central de Vannes : un bâtiment conçu pour la communication, réinventé pour loger, étudier, et créer de nouveaux liens.